Ils participent au le sauvetageRettungsauvetage de Notre-Dame
Yann Meusnier, le charpentierZimmermanncharpentier
« J’étais sur un le chantierBaustellechantier en République dominicaine quand on m’a appelé le renfortUnterstützungen renfort pour aller sur le chantier de Notre-Dame. J’ai pris l’avion, et quatre jours après l’incendie, j’étais sur placevor Ortsur place. Une mission comme ça, ça ne se refuse pas.
En découvrant l’état de la cathédrale, on était tous sous le choc. Mais on n’a pas eu le temps de réfléchir parce qu’il fallait sécurisersichernsécuriser rapidement les parties qui pouvaient tomberhier: einstürzentomber. On a eu de la chance de travailler avec Philippe Villeneuve et Rémi Fromont, des architectes hors pairherausragendhors pair qui ont tout de suite prendre la mesureausloten, einschätzenpris la mesure des choses à faire. C’était dur, on travaillait à un rythme effréné,eetwa: halsbrecherischeffréné, mais on l’a fait avec bonheur. On n’a jamais calculé nos heures. S’il fallait douze ou treize heures, on les faisait. C’était une période extraordinairement riche dans la la cohésionZusammenhaltcohésion, dans la solidarité, l’l’abnégation (f)Selbstlosigkeitabnégation, le courage, dans l’humain. On déjeunait tous les midis ensemble, des grandes tablées de 20 le garsKerl, Typgars. On se disait que 800 ans en arrière, c’est d’autres charpentiers qui étaient ici à partager leur la piquettebilliger Weinpiquette comme nous. Ils avaient les mêmes gestes. Parce que l’art français du le tracéhier: Aufrisstracé de charpente se transmet depuis le XIIIe siècle. Il est même au patrimoine immatériel de l’Unesco… Ça me faire vibrerantörnenfaisait vibrer d’être dans la lignée de qnzu jm gehörenêtre dans la lignée de ces bâtisseurs- là. Ça, c’était au début. Après, le chantier s’est énormément politisé et médiatiserin den Medien hochspielenmédiatisé. On a vu débarqueraufkreuzendébarquer des personnalités politiques avec des équipes de télé. Il fallait s’arrêter de travailler alors qu’il y a urgencees eiltil y avait urgence. Il y a eu une la récupérationVereinnahmungrécupération politique après l’élan (m)Anlaufl’élan vraiment désintéressé de plein de gens. Ça nous a rendu les conditions de travail vraiment difficiles. Des gens qui ne rien connaître à qcvon etw. nichts verstehenne connaissent rien au le bâtimentBauhandwerkbâtiment se mêlersich einmischens’en sont mêlés. Alors j’ai arrêté. Je retiens de ce chantier l’incroyable la communionVerbundenheitcommunion qu’il y avait entre nous tous. Moi, c’est cet aspect-là que je veux retenir. L’élan de tous au début. Je sais que je ne trouverai plus jamais ça sur aucun autre chantier. »
Vincent Touche, le tailleur de pierreSteinmetztailleur de pierre
« C’est toujours très émouvant de retrouver les la traceSpurtraces de ceux qui ont travaillé là avant nous. Un jour, on s’est retrouvés sous les l’arc-boutant (m)Strebepfeiler, -bogenarcs-boutants et on est tombés sur des le tracé de constructionBauzeichnungtracés de construction du XIXe siècle. C’était comme si nos le prédécesseurVorgängerprédécesseurs étaient partis en pause et qu’on prendre la relèveablösenprenait la relève. Il y avait aussi un petit bout de journal du jour de la sortie de l’affaire Dreyfus, posé sur un rebord. On l’a laissé là, pour ceux qui viendraient après nous.
Quand on travaille à Notre-Dame, on y va par plaisir. On taillerbehauentaille notre bloc de pierre, notre ego est mis de côté, on est hors du temps. Il y a comme un voyage intérieur qui se fait. La rencontre avec le minéral, avec la pierre qui extraireabbauena été extraite de la la carrièreSteinbruchcarrière est très importante. La pierre, ce n’est pas une matière inerteleblosinerte. C’est vivant. Il y a de l’énergie dedans. Ça peut paraître un peu mystique, mais c’est fabuleux de partir d’un bloc, d’y passer des heures, et d’arriver à une grande finesse. Travailler sur un bloc de pierre, ça cultive la la patienceGeduldpatience, la discipline et la la rigueurGenauigkeitrigueur. Et ça finit même par modifier l’évolution de nos la perceptionWahrnehmungperceptions et de nos caractères. Tous les tailleurs de pierre sont des grands sensibles. On a tous des grosses mains, mais on ttoucher du bout des doigtsbefühlenouche du bout des doigts, on effleurerleicht berühreneffleure tout le temps, et ça finit par créer une sensibilité particulière. Quand on regarde une pierre taillée sur l’édifice, on ressent la sensibilité de celui qui l’a taillée parce que les coups d’l’outil (m)Werkzeugoutils ne sont pas les mêmes selon la personne et selon l’époque. C’est comme une écriture : chaque personne à une écriture différente. La la tailleSteinschnitttaille, c’est la même chose. Et ensuite, avec toutes ses différences, on forme un ensemble qui est le produit du le cheminementEntwicklungcheminement intérieur de chacun d’entre nous le temps qu’il a taillé sa pierre. »
INTERVIEW AVEC… Marc Viré, Archéologue et historien
Marc Viré est archéologue et historien du Moyen Âge et de l’Antiquité. Il a été ingénieur spécialisé en matériel de constructionBaumaterialmatériaux de construction et la carrièreSteinbruchcarrières à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). En avril 2019, il a participé en tant qu’archéologue au le chantierBaustellechantier de Notre-Dame. Le dernier pour lui, puisqu’au terme de celui-ci, il prendre sa retraitein Pension gehenprenait sa retraite.
Comment êtes-vous venu à l’archéologie?
Je viens d’une famille d’archéologues. Mon grand-oncle, Armand Viré, pratiquait l’archéologie préhistorique. Une galerie porte d’ailleurs son nom à Padirac (célèbre site archéologique en Occitanie). Il y avait beaucoup de livres concernant l’archéologie dans la maison familiale. adolescent,eals Jugendliche,rAdolescent, je fureterherumschnüffelnfuretais, je pousseröffnen, aufstoßenpoussais les la porte cochèreToreinfahrtportes cochères, j’entrais dans les cours, dans les maison anciennes… Puis j’ai découvert le le monde souterrainUnterweltmonde souterrain de Paris, les carrières souterraines. Et les pierres sont devenues ma spécialité. Mon métier, finalement, c’est de faire parler les pierres pour qu’elles nous racontent l’histoire des monuments et celle de leur construction.
Qu’avez-vous ressenti au moment où Notre-Dame a brûlé ?
Dès les années 1980, j’avais demandé à ce qu’une étude de la la charpenteDachstuhlcharpente de Notre- Dame soit faite. Devant la passivité de mes le pairBerufskollegepairs, je m’s’insurgeraufbegehrenétais insurgé : « Vous n’allez quand même pas attendre qu’elle brûle pour qu’on le regrette ! » Mais les financements de cette étude n’ont pas été trouvés. Alors quand la charpente a brûlé, j’protestierenêtre scandalisé,eai été scandalisé. Mon engagement dans le chantier de Notre-Dame, ce ne sont pas des les pleurs (m/pl)Tränenpleurs, c’est de la la rageWutrage, de la colère ! Une colère contre un tas deviele, jede Mengeun tas de personnes qui n’ont pas agi alors qu’elles avaient les clés pour le faire. Quand la cathédrale a brûlé, ça faisait combien de la décennieJahrzehntdécennies que je demandais que les choses se fassentdass etwas geschiehtque les choses se fassent ? Mais on me répondait par des le haussement d’épauleAchselzuckenhaussements d’épaules…
Comment vous se retrouversich wiederfinden, landenêtes-vous retrouvé sur le chantier de Notre-Dame en avril 2019 ?
C’est Stéphane Deschamps, le chef du service régional d’archéologie d’Île-de- France, qui a insisté pour que l’archéologie soit présente sur le chantier. Tout le monde voulait évacuerräumen, entfernenévacuer les les gravats (m/pl)Bauschuttgravats. Sauf que ce ne sont pas des gravats, ce sont des éléments patrimonial,e ,hier: aus dem Kulturerbepatrimoniaux. Il faut les triersortierentrier, les identifier, les numéroter, voir si des éléments peuvent récupérerwiederverwertenêtre récupérés et réutilisés. C’est important de le faire pour savoir comment on construisait à l’époque. Mais au fond, un chantier du Moyen Âge, ça n’était pas très différent d’un chantier d’aujourd’hui. Cela frapperverblüffenm’a frappé sur le chantier de Notre-Dame. Un jour, nous avons tous été obligés de sortir de la cathédrale à cause de l’l’inspection (f) du travailGewerbeaufsichtsamtinspection du travail. Nous nous sommes retrouvés sur le le parvisVorplatz, Kirchplatzparvis. Il y avait tous les le corps de métierBerufsstandcorps de métiers : les le charpentierZimmermanncharpentiers, les le tailleur de pierreSteinmetztailleurs de pierre, les le grutierKranführergrutiers, les le cordisteIndustriekletterercordistes… Tous les acteurs étaient en place. Et là, j’ai réalisé que nous étions les successeurs de nos maîtres du XIIe et du XIIIe siècle.
Quand et pourquoi a été décidée la construction de Notre-Dame ?
À la naissance d’une cathédrale, il y a toujours la volonté d’un homme qui est le le maître d’ouvrageAuftraggeber, Bauherrmaître d’ouvrage. Et pour Notre-Dame de Paris, le patron, c’est Maurice de Sully. Il était fils de paysans et très doué intellectuellement. Il avait beaucoup voyagé. Il avait aussi été en contact avec l’abbé Suger qui relancerwieder in Gang bringenavait relancé la construction de Saint-Denis à partir de 1136. Il a également été professeur de théologie à l’école Notre-Dame où il a enseigné vingt ans. Et parmi ses élèves, il y avait le futur roi de France, Louis VII. Plus tard, il a été nommé l’évêque (m)Bischofévêque. Paris n’était pas encore la capitale du royaume de France. Maurice de Sully s’est rendu compte très tôt qu’il fallait une cathédrale pour Paris. Il forcer la main de qnjm seinen Willen aufzwingena forcé la main du jeune roi Louis VII, qu’il connaissait bien, pour lancer ce chantier. Et il a trouvé les moyens nécessaires pour y arriver. Au fond, Maurice de Sully a fait le destin de la France en installant sa capitale à Paris.
Qui est l’architecte de la cathédrale ?
Il n’y a pas d’architecte au Moyen Âge de manière générale. C’est Maurice de Sully, l’évêque, qui en a défini le le tracéModellzeichnungtracé, l’orientation. La pensée constructive, c’est lui. Il n’est pas architecte, mais il être formé,egebildet seinest formé. Ça veut dire qu’il savait dessiner. Cette science de la géométrie, il la connaissait par les textes de Pythagore, d’Euclide et de Vitruve. Maurice de Sully insufflereinhauchena insufflé l’esprit. Mais il s’est également donné les moyens financiers, techniques et humains pour y arriver. Bien sûr, il n’a pas travaillé seul devant sa feuille de le parcheminPergamentparchemin. Il a expliqué à ses maîtres le maçonMaurermaçons ce qu’il voulait. La taille des colonnes, leur hauteur, leur largeur…
Que pensez-vous de l’idée de « etwa: moderne Komponentele geste contemporaingeste contemporain » qui évoquerzur Sprache bringenavait été évoqué à un moment ?
Il y a pour moi une personne qui porte une grande responsabilité devant l’histoire et le patrimoine mondial : c’est le président de la République. Il a été d’une incroyable la légèretéOberflächlichkeitlégèreté, il a commis une erreur fondamentale. Parce qu’en introduisant le fameux « geste contemporain » sur la cathédrale, qui de toute façon acteretwa: eingehen aufn’aurait pas été acté par le le conseil supérieur des monuments historiqueshier: oberster Rat für Denkmalpflegeconseil supérieur des monuments historiques, il faisait prendre un risque insupportableuntragbarinsupportable à l’ensemble devant la communauté internationale, celui de faire perdre à toutes les la bergeUferberges de la Seine et du site de Notre-Dame son l’inscription (f)Eintragunginscription parmi le le patrimoine mondial de l’humanité reconnu par l’UnescoUNESCO Welterbepatrimoine mondial de l’humanité reconnu par l’Unesco. Vous imaginez si Notre-Dame agréeranerkennenn’avait plus été agréée au patrimoine mondial de l’humanité ? Heureusement, l’architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, a gagné la batailleSchlachtla bataille contre cette idée absurde et dangereuse.
Deux ans après l'incendie de Notre-Dame, Écoute vous propose un dossier spécial qui vous dresse le portrait et vous révèle les secrets de cette vieille dame. De sa création aux défis de demain. Car Notre-Dame est une vieille dame, certes, mais bel et bien immortelle.
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