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    La Bretagne des Bretons

    DIFFICILE
    Écoute 3/2023
    Hafen in der Bretagne
    © Xantana/istcok
    Von Sarah Thierry

     

    Didier Galhaud, 61 ans, pêcheur en mer

    Il a toujours voulu devenir pêcheur. À 20 ans, Didier tente d’entrer dans la Handelsmarine​marine marchande. Mais le secteur va mal, alors il choisit la Marine nationale. Il se voit déjà hydrographe ou Steuermann​timonier, mais travaillera sur les installations nucléaires des U-Boot​sous-marins. ​

    Après 17 ans et demi dans la Marine, il se rapproche de son rêve. « Je voulais absolument pêcher, zur See fahren​naviguer. La Marine demande régulièrement de rester à terre pour des Aus-, Weiterbildung​formations. À la fin, je n’ai pas navigué pendant trois ans ! » À 37 ans, Didier s’achète un bateau de pêche, d’une dizaine de mètres : le Beluga II. Les débuts sont difficiles pour celui qui est « mit nichts anfangen​parti de rien ». « Pendant quatre ans, il fallait que j’évite d’avoir un accident, car mes comptes étaient au hier: leer​ras des pâquerettes. N’importe comment, je devais sortir pêcher ! » Puis son activité florieren​décolle. Il pêche du Seebarsch​bar, du Seelachs​lieu, et se spécialise dans le homard, avant d’arrêter en 2020. « das bringt gutes Geld​Ça rapportait bien, mais c’est anstrengend​usant comme Job​boulot. Même avec un Winde​treuil hydraulique à bord, quand vous levez 380 Korb​casiers dans la journée, c’est fatigant ! » Parfois, il fait des pêches miraculeuses : « 150 kg de homard ! » Et il y a les coups durs. La concurrence des gros Trawler​chalutiers (88 mètres de long) du nord de l’Europe, qui emportent des milliers de poissons, sans respecter les quotas. Eux pêchent le Makrele​maquereau ou la Tintenfisch​seiche, mais éliminent en même temps d’autres espèces de poissons. « En prenant dans leurs filets des juvéniles – des poissons trop jeunes –, ils les empêchent de se reproduire. Une trentaine de chalutiers suffit à détruire la pêche de plusieurs années à venir pour tout le monde. » D’autant que ces poissons finissent souvent en farines animales, pour füttern​nourrir… d’autres poissons, comme les Zuchtlachs​saumons d’élevage. « Nous, nous pêchons à l’Angelhaken​hameçon, ça laisse une chance au poisson. On pose des lignes et, deux heures après, on les remonte et on voit ce qu’on a pris. Il y a des gens qui pêchent intelligemment et d’autres qui ne font ça que pour l’argent. »​

    Didier et sa femme ne comptent pas leurs heures. Levés à 5 h du matin, ils sont sur le pont six jours sur sept. Lui, sur le Beluga II, vor der Küste von​au large de Perros-Guirec (Côtes-d’Armor) ; elle, comme vendeuse sur le marché aux poissons. Didier va bientôt an den Nagel hängen​raccrocher ses hameçons pour in Rente gehen​prendre sa retraite. Il salue d’ailleurs ses clients allemands, nombreux l’été à lui acheter son poisson.​

     

    Fischer in der Bretagne

     

     

    Tiphaine Quéméner, 33 ans, productrice d’oignons de Roscoff AOP

    occupe-toi de tes oignonskümmere dich um deinen eignen Kram​On s’occupe de vos oignons depuis 1850 ! », annonce le slogan de la maison Quéméner. Cette ferme produit de l’oignon rose de Roscoff d’appellation d’origine protégée (AOP), un label qu’on ne trouve que dans le Haut-Léon, en Finistère Nord. C’est ici, sur ces Ackerland​terres agricoles windgepeitschtbalayées par un vent doux et régulièrement gegossen​arrosées de pluie – des conditions idéales pour la culture de l’oignon rose –, qu’a grandi Tiphaine. Avec son frère, elle reprend, en 2018, l’Betrieb​exploitation de son père qui part en retraite. « Je trouvais dommage de laisser tomber nos clients et de ne pas continuer l’histoire familiale », explique cette ancienne cheffe marketing dans l’Lebensmittelbranche​agroalimentaire. Tous deux remettent les mains dans la terre, comme lorsque, enfants, ils passaient leurs vacances à anbauen​cultiver les oignons en famille. Si la Geschwister​fratrie fait aussi pousser des choux-fleurs et des artichauts, leur Vorzeigeprodukt​produit phare est bien l’oignon rose. Ce Zwiebel​bulbe, mitgebracht aus​rapporté du Portugal au XVIIe siècle, produit 40 tonnes par hectare, et se vend cher. Une fois récolté, en août, il verpacken​est conditionné à la main. Puis nettoyé, hier: das Laub abdrehen​équeuté et, bien souvent, flechten​tressé. Reine du tressage, Tiphaine a d’ailleurs gagné des prix à la fête de l’oignon de Roscoff. Cette technique, qui permet une meilleure conservation du produit, elle la doit à son père et son père avant lui, car ses ancêtres étaient Johnnies. Les Johnnies étaient des marchands d’oignons de Roscoff qui, six mois par an, partaient en Grande-Bretagne vendre leurs produits. Ils tressaient des milliers d’oignons dans les ports, puis transportaient jusqu’à 150 kg de tresses sur leur vélo pour les vendre von Tür zu Tür​de porte en porte. Très attendus par les ménagères anglaises, ces Gemüsegärtner​maraîchers bretons étaient liebevoll​affectueusement nennen​surnommés « Johnnies », c’est-à-dire « petit Jean » – ou « petit Yann » en breton –, prénoms verbreitet​répandus en Bretagne.

    saftig​Juteux et doux, l’oignon rose se déguste roh​cru ou cuit, et fait de délicieux confits. Tiphaine le vend aussi bien en vente directe que sur son site Internet ou sur www.crowdfarming.com. Cette plateforme permet d’« adopter » une parcelle de son terrain à petit prix et d’en bekommen​récupérer la production. Après le manque d’eau des étés derniers, la jeune femme espère le retour de la pluie, damit​afin que l’oignon de Roscoff voie l’avenir en rose.

     

    Junge Frau in der Bretagne

     

    Olivier Perpère, alias « Ozégan, un conteur n’a pas d’âge », guide-conteur

     

    Un jour, une jeune fée demanda à Dame Morgane, reine des fées : « Mais pourquoi les humains ne nous voient-ils plus, nous, les esprits des sources, des bois et des Heide(land)​landes ? » Assis au bord du Miroir aux fées, un Teich​étang de la forêt de Brocéliande, en Ille-et-Vilaine, le conteur Ozégan in den Bann ziehen​captive son auditoire. Il accompagne ses paroles en jouant de son psaltérion, un instrument aux Klang​sonorités médiévales. Car Ozégan est aussi barde. (Märchen)Erzähler​Conteur et musicien autodidacte, il emporte, à chacune de ses balades contées, quelques instruments anciens de son « instrumentarium du troubadour ». « Cela me permet d’apporter différents environnements sonores aux contes ». Dans sa collection, on trouve des harpes, des lyres et des Dudelsack​cornemuses, mais aussi des instruments rares, dont le nom sonne comme une mélodie. Tel le sonarel, une flûte double en roseau. Ou le kanun, une Zither​cithare à 72 cordes que l’on frotte avec de la Horn​corne de sabot de cheval. Pionnier des balades contées, Ozégan emmène des groupes en forêt depuis 1985, « une époque où le conte être moribond,evor dem Aus stehen​était moribond». Depuis, Brocéliande, décor des aventures des chevaliers de la Table ronde, attire chaque année un public nombreux… et les guides proposant des sorties contées se sont multipliés. Mais Ozégan a plus d’un tour dans son sac. Auteur de plusieurs livres sur la mythologie celte et le chamanisme, il connaît mille et une légendes de Brocéliande, des contes du Moyen Âge et des « contes de sagesse » du monde entier. Ses histoires, il les raconte à des familles, des classes d’école, dans des comités d’entreprise, en forêt, dans des (Ferien)Unterkunft​gîtes ou lors de séances de contes dans les bibliothèques.

    Après avoir été Lagerverwalter​magasinier, Nachtwächter​veilleur de nuit, docker sur les quais de Saint-Malo, Hufschmied​maréchal-ferrant et Maurer​maçon, c’est à Brocéliande que ce Bewohner von St. Malo​Malouin d’origine a trouvé sa voie – et sa voix de conteur. C’est ici qu’Olivier est devenu Ozégan, du nom d’un cousin du korrigan, un Kobold​lutin breton. Un nom qui vient aussi de noz gan, « le chant de la nuit » en langue bretonne. Le chant, la voix, la musique… tout harmonieren​s’accorde.​

     

    Mann aus der Bretagne

     

    Dans son numéro 3/23, Écoute part à la rencontre des Bretons à travers huit portraits.  

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